dimanche 8 mars 2015

Morceau de vie

Après la deuxième guerre mondiale, au début des années 50, dans le village de Conchez de Béarn il y avait un docteur : monsieur Victor Brus. Sa maison est située sur l'ancienne route de Conchez à Diusse. On la reconnaît facilement avec sa forme cubique et son style bourgeois. La façade donnant sur la route et l'entrée de la maison avec de plus belle finitions que celle donnant vers l'arrière comme on le faisait en milieu urbain pour « paraître » tout en économisant quelque argent. En sous-sol, la cave ; au rez-de chaussée, le salon, le cabinet de réception du docteur et la cuisine donnant sur l'arrière de la maison, côté grange. A l'étage, les chambres et le grenier aménagé pour loger les employés. Victor Brus avait été docteur mais également Maire du village.

Maison Brus

Jeanne Capéraa se souvient de cette époque d'après-guerre puisqu'elle s'était mariée en 1947 à Saint-Jean-Poudge avant de travailler à ses 18 ans comme « employé de maison » chez Brus, vers 1952.
Les Brus possédaient également une ferme située tout près du moulin du village, en bas de la côte à droite. Des pierres encore visibles aujourd'hui attestent de sa présence ancienne. La grange dite de « Brus », avec son architecture typique, est toujours présente non loin de là. Cette ferme était une ancienne métairie dans laquelle des personnes comme Adelin ou Abel ont travaillé de nombreuses années. Jeanne se rappelle quand elle descendait à travers champs depuis la maison Brus, pour aller chercher des légumes juste en dessous de la fontaine dite de « Paul ». L'espélouquère se faisait dans la grange de la maison Brus. Cette grange est également typique avec ses murs en terre, et son toit en tuiles plates. Elle est encore visible aujourd'hui mais pour combien de temps encore ?! Les voisins participaient à l'espélouquère, et Nicole, la femme de monsieur Brus, donnait pas mal de confitures et du pain à ceux qui aidaient à cette tâche laborieuse. On faisait beaucoup de confitures de poire, raconte Jeanne. Des fois, elle moisissait par manque d'ajout de sucre. Celui-ci était produit à partir de vin nouveau que l'on chauffait pour en récupérer le sucre utilisé ensuite pour les confitures.

Puits de la maison Brus - 2004
 
En face de chez Paralieu, il y avait le jardin. Quant au puits présent devant la maison, l'été, il avait tendance à ne plus donner d'eau. Il fallait donc la réserver et descendre tous les jours à la fontaine de Paul, abondante même l'été.

Fontaine dite "de Paul"

Quand Danièle était petite, j'allais y rincer le linge dans des bassines. La question de l'eau était importante pour un village. Il y avait des sources et des puits mais tous n'avaient pas la même abondance. Et à Conchez, il y avait des priorités ! Pour le pain par exemple. Au début des années 50, il y avait encore en fonctionnement un moulin et deux boulangeries (Laplace et Lanne).


Vue du puits en 2015

Pour la confection du pain, les boulangers avaient la priorité sur l'accès à des puits comme celui du centre du village dont le bâti en pierre était encore présent. Jeanne s'en rappelle très bien puisqu'elle avait habité en loyer dans un deux pièces dans la maison Fréart, à côté du presbytère. Danièle y est née se rappelle-t-elle. Ma chambre donnait sur la rue et sur le puits.


Vue du puits au centre du village

Autant que pour l'eau, la viande, le blé ou tout autre produit, tout faisait l'objet de négociations et arrangements. La vie n'était pas facile, on ne jetait rien, il fallait vivre et parfois survivre. Chez Laplace, au centre du village, on était boulanger (Alphonse et Marie – frère et sœur) mais également « blatier » (marchand de blé) depuis de nombreuses générations. Ce blé que l'on produisait, on le vendait au meunier pour qu'il produise de la farine. Souvent, plutôt que de la vendre, il s'agissait de l'échanger contre le pain pour l'année. A la métairie aussi on faisait des affaires. Adelain travaillait avec deux vaches. Il élevait pour son compte quelques vaches et les vendait. Avec Brus par exemple, si deux vaches naissait, il en récupérait une et Brus l'autre. Dans les années 50, il y avait également une boucherie chez Plaa. Là aussi on peut imaginer tout le commerce qui pouvait avoir lieu avec les producteurs locaux. Pour l'anecdote et faire un lien avec les puits, pendant les fêtes du village, le boucher (le père de Paulette Plaa), réservait un animal entier qu'il accrochait dans le puits, au frais, pour le conserver.
Plus tard, précise Jeanne Capéraa, nous avons acheté à Tilh, là où j'habite actuellement. On avait acheté à Joseph Courty dont un fils est mort pendant la première guerre mondiale. Mon mari était maçon à son compte et travaillait avec son père. C'était pas la joie, moi je faisais des « journées » dans le village, essentiellement en agriculture. Plus tard, j'ai travaillé au restaurant Chez Paulette. Quand Michel a grandi, je le mettais dans un panier sur le porte bagages et je montais jusqu'au restaurant. J'y ai travaillé de nombreuses années. Les moyens de locomotion étaient un facteur important pour travailler. Au début, le docteur Brus, faisait les visites à vélo, avant d'acheter sa première voiture. Sans moyen de transport, il était difficile de trouver du travail ou de travailler plus loin que dans le village ou un village voisin.
Voilà comment on passe toute une vie dans un village. Aujourd'hui, l'eau arrive dans chaque maison, tout le monde possède un véhicule et avec l'argent, tout a un prix ! Le négoce a changé de forme, l'échange disparaît et l'entraide également.

1 commentaire:

Claude Dulhoste a dit…

Dans les années 50, avant de remonter à la ferme de Jean-Baptiste Laplace, mes vaches s'abreuvaient à la fontaine de Paul qui se trouvait dans dans un fouillis de ronces et d'arbustes, elles passaient carrément la tête par l'ouverture de la fontaine toujours ouverte,l'eau était très fraîche le cresson poussait tout autour