C'est un grand politique et- surtout un rude discoureur que M. Phi- lippe, honnête tonnelier des environs de Conchez ! Le gouvemement déchu tt'a pas de plus chaud ennemi que lui, et comme M. Phaltppe n'entend, pas raillerie sur cet article, il Suffit de la moindre contradiction pour le foire entrer en fureur. Or c'était l'un des jours les plus joyeux du demier camaval, on se trouvait dans un cabaret, et comme de raison buvait, on causait et l'on discutait gravement des affaires de l'Etat, de'la commune et même des particuliers tout en versant à la ronde d'amples libations d'un vin clairet. Chose étrange, Philippe qui était l'un des principaux interlocuteurs avait trouvé â qui parler. La discussion s'était échauffée , on avait parlé , crié , hurlé, rien y avait fait, et la victoire était encore indécise. Il fallait recourir aux argumens décisifs, et Philippe ne balança point, à ce qu'il paraît, à les employer. Bon Dieu ! s'écra-t-il, que vous êtes heureux vous autres, Messteurs de Conchez , d'avoir parmi vous les fameux ministres ! L'apostrophe était vive , et cependant l'adversaire de Philippe se contenta de dire , pour toute réponse en haussant les épaules : Et sais-je seulement s'il y a des ministres ou s'il n'y en a pas. Il n'en fallut pas davantage pour achever d'enflammer la bile de Philippe. M. de H. , cria-t-il, est Charles X, vous êtes le prince de Polignac, Jeannon est Peyronet, Pierre son voisin est Chantelauze, et le fils de celui-ci est Guemon de Ranville ! La harangue était claire et précise. Cependant, à ce qu'a prétendu Catalàa, Philippe ne trouva pas que c'était assez, et crut, afin de rendre sa réplique plus péremptoire , devoir l'accompagner d'un coup de poing, fortement assené, qui ébranla les dents et ht jaillir le sang de la bouche du prétendu prince de Polignac. Courez donc , après cela , à la quête des grandeurs Loin de se trouver flatté de la dignité qui lui avait été si libéralement conférée par Philippe, le sieur Calalàa s'est hâté de porter plainte en police correctionnelle contre lui et a soutenu que s'appela-t-on Charles, Philippe ou Napoléon il ne devait pas être permis de donner des so- briquets aux gens ni de les frapper. M. Philippe , tout en convenant avec franchise d'une partie de ses torts, est parvenu à prouver que le sang du prince de sa façon avait pas coulé, et que s'il avait cru pouvoir assaisonner la discussion de force épigrammes , on avait pas plus à lui reprocher d'avoir porté des coups de poings, qu'il ne serait en son pouvoir de frapper un coup-d'état. On a recommandé à M. Philippe d'être plus réservé à l'avenir ; et pour toute leçon , vu les circonstances atténuantes, le tribunal de police correctionnelle s'est borné à condamner le publiciste de Conchez aux dépens.
Source:
JEUDI 24 MARS 1831. [Ce Joumal paraît trois fois par Semaine,] 28 fr. pour un an, 15 Ir. pour six mois. XVII.e ANNEE. (N.° 36.) Mémorial des pyrénées, POLITIQUE, JUDICIAIRE, INDUSTRIEL ET D'ANNONCES. UTILITÉ, VÉRITÉS INTERIEUR.
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