Profitant du répit que l'armée
anglaise lui laissait, Soult se hâtait de réorganiser ses forces :
Maransin allait, le 13, reprendre le commandement de sa division ; le
maréchal rappelait à lui les détachements d'infanterie et de
cavalerie laissés près de Pau, les troupes que Darricau avait
réussi à ramener de Dax ou à réunir à Langon ; il faisait
constituer des approvisionnements de vivres et de munitions à Tarbes
et à Toulouse ; il prescrivait de nouveau d'envoyer dans cette
dernière ville ceux qu'on avait réunis à Bordeaux.
Il pressait les commissaires impériaux
et les autorités locales d'activer les levées et de faire rentrer
les déserteurs et 3.000 traînards, anciens soldats que les généraux
commandant les départements avaient retenus aux dépôts au lieu de
les renvoyer à l'armée. Malgré le manque complet d'argent, il
s'efforçait de grouper des corps de partisans.
Il était prescrit à la division Harispe de s'établir dans cette ville. Clausel devait réunir les divisions Villatte et Pâris à Vic-de-Bigorre et les disposer de façon à pouvoir soutenir Reille et d'Erlon, qui, en cas de retraite, opéreraient leurs mouvements sur ce point. La cavalerie de Pierre Soult, mise à sa disposition et en réserve près de Vic-de-Bigorre, d'où elle devait éclairer très au loin la route de Pau, par Morlaas, était chargée d'occuper fortement Lembeye avec un poste ayant mission d'éclairer les routes d'Aire, par Conchez et par Garlin, et de se mettre en liaison avec l'avant-garde, formée par la cavalerie de Berton, à Madiran. Celle-ci pousserait ses postes d'observation jusqu'à Conchez, Viella et Castelnau-Rivière-Basse.
D'Erlon avait ordre de rapprocher sa ligne de Maubourguet, de façon à pouvoir joindre successivement les autres divisions sur la route de Vic-de-Bigorre à Tarbes; Il devait échelonner les divisions Fririon et d'Armagnac entre Plaisance et Maubourguet, de façon à recevoir appui des forces de Reille à Maubourguet et, au contraire, à pouvoir les soutenir si ces dernières étaient attaquées par l'ennemi débouchant par Viella et Castelnau : les avant-postes de cavalerie de d'Erlon, avec quelques compagnies de voltigeurs, resteraient en avant de Plaisance pour éclairer les directions de Barcelonne et de Nogaro, par Aignan. En cas de retraite sur Maubourguet, il était prescrit à l'officier supérieur qui les commandait de faire passer un parti par la route de Marciac et de Mielan, pour continuer à y observer l'ennemi et garder le contact dans cette direction. D'Erlon avait ordre de s.'éclairer très au loin à sa droite, avec -sa cavalerie, sur les routes conduisant à Auch, spécialement celle de Nogaro et Vic-Fézensao et celles de Mirande et de Miela.
Reille, couvert par l'avant-garde de Berton, à Madiran, rapprocherait toutes ses troupes de Maubourguet, afin de soutenir Berton et d'Erlon.
Le parc d'artillerie de l'armée était dirigé de Mielan sur Trie, pour s'y établir, avec mission de reconnaître les routes conduisant de ce point à Tarbes, à Tournay, à Pinas, près de Lannemezan, par Gai an, et à Boulognesur-Gesse, par Castelnau-Magnoac.
« ... Ainsi, l'armée se trouvant échelonnée et éclairée -à grande distance par la cavalerie, toutes les divisions peuvent se soutenir réciproquement,, et, en cas d'attaque, opérer leur mouvement sur Tarbes, où l'armée se réunirait et recevrait de nouveaux ordres. Les lieutenants-généraux se communiqueront entre eux tous les .avis qu'ils recevront des mouvements de l'ennemi en même temps qu'ils en rendront compte au général en -chef, afin qu'ils soient toujours instruits de ce qui se passe sur la ligne et puissent faire, assez à temps, leurs -dispositions pour remplir cette instruction., et que partout où l'ennemi présentera des têtes de colonne, .elles soient contenues en défendant le terrain pied à pied. Ils sont d'ailleurs confidentiellement prévenus que la ligne d'opérations de l'armée est de Tarbes sur Toulouse, par Saint-Gaudens, malgré qu'on utilisera, autant qu'il sera possible, sans rien compromettre, celle qui passe par Auch...
« Les lieutenants-généraux donneront à l'avenir l'ordre aux maires des communes qui sont le plus près des points occupés par les ennemis d'envoyer journellement des personnes de confiance pour observer leurs mouvements sur toutes les directions, et leur en rendre compte aussitôt ; les rendant responsables des moindres retards ou négligences qu'il mettraient dans ce service important, et les prévenant qu'en cas d'omission, ils seront ultérieurement poursuivis. »
Soult à Reille (Rabastens, 8 mars, 6 heures du matin, papiers Reille). – « ...D'après l'avis que vous m'avez donné, à minuit, sur la marche d'une colonne ennemie par Garlin sur Pau, je donne ordre à M. le comte d'Erlon de prendre aujourd'hui position avec ses deux divisions à Auriébat et Sauveterre, où il sera à cheval sur la grande route qui conduit de Maubourguet à Marciac, et pourra manoeuvrer dans la direction de Rabastens et de Villecomtal, dans le cas où un nouveau mouvement rétrograde devrait avoir lieu ; il laissera un régiment de cavalerie à l'extrémité de la chaîne sur laquelle se trouve Ladevèze, pour éclairer la vallée, qui est entre Plaisance et Castelnau-de-Rivière-Basse.
« Ainsi, M. le comte d'Erlon se trouvera à une très petite distance en deuxième ligne de Maubourguet, à portée de vous soutenir au besoin ; faites-lui part, en effet, de tout ce qui surviendra de vos côtés.
« Je vous préviens que, si, en cas d'attaque, vous ne pouviez opérer le mouvement sur Vic-de-Bigorre, M. le comte d'Erlon, marchant à votre hauteur par la chaîne de montagnes qui se trouverait à votre gauche (étant en retraite), serait toujours en mesure de vous soutenir. Dans ce cas, vous préviendriez aussitôt M. le lieutenant-général Clausel de votre mouvement. Dans le jour, nous recevrons sans doute des renseignements plus positifs sur la marche des ennemis. Je resterai aujourd'hui à Rabastens. »
Soult à Guerre (Rabastens, 8 mars). - « J'ai envoyé un parti sur Pau pour faire en sorte d'enlever quelques détachements ennemis, qui y étaient entrés, ainsi que le traître Malluguer. Ce parti était commandé par le colonel Seganville, du 2e régiment de hussards. A une lieue de Pau, il a appris que, dans la soirée, il y était arrivé une brigade de cavalerie (Fane) et une brigade d'infanterie de la division Stewart et que le restant du corps de Hill y était attendu. D'après ces renseignements, le colonel Seganville s'est rejeté sur la route qui conduit de Pau à Vic-de-Bigorre pour enlever les postes ennemis qui y étaient établis, mais il n'a pu prendre qu'un capitaine et cinq dragons anglais : on a aussi tué huit dragons anglais. Le chef d'escadrons Boitieux, du 10e régiment de chasseurs, avait été envoyé, en parti, avec 100 chevaux, sur Conchez et vers Garlin : il a trouvé une autre brigade de cavalerie établie dans ce dernier endroit, à Sarron et à Castetpugon; il a passé entre ces troupes et a été au Tourniquet, où il a enlevé un poste de correspondance. Les renseignements, qu'il .s'est procurés, confirment le mouvement de la division Stewart sur Pau. Il a aussi appris qu'une division espagnole était à Geaune et que le gros de l'armée ennemie se trouvait concentré entre Aire et Barcelonne.
« Les renseignements qui m'ont été envoyés hier, de Nogaro, portent que l'ennemi s'est étendu par sa cavalerie jusqu'à Gabarret ; mais je n'ai pas appris qu'il ait fait encore des détachements sur Bordeaux, quoique l'on dise depuis longtemps qu'il s'y prépare... Aussitôt que je serai instruit du mouvement, je marcherai aux ennemis.
« J'ai donné des ordres au général Despeaux, commandant la 20e division militaire, de se rendre à Agen, à l'effet de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire garder avec soin le cours de la Garonne, en employant à de service ce qu'il y a, de disponible dans les dépôts et la, garde nationale. Je lui ai aussi prescrit de faire garder à la rive droite tous les bateaux qu'il a sur la Garonne. J'ai donné ordre au général Travot de se rendre à Auch pour faire observer les diverses routes, venant du département des Landes, qui aboutissent à cette ville et empêcher que les partis ennemis se répandent dans le pays. Il emploiera à ce service les corps de garde nationale et un fort détachement d'infanterie qu'il a pris à Toulouse. S'il était forcé, il se replierait successivement sur Toulouse pour défendre la tête de pont dont j'ai ordonné la construction.
» Il paraît qu'il y a déjà un certain nombre de conscrits réunis dans les grands dépôts qui sont établis dans les 10e, 20e et 11e divisions militaires, mais fort peu sont armés. J'ai fait diriger, dans le temps, sur Toulouse et sur Bordeaux, tous les fusils qu'il était possible de sortir de Bayonne ; une grande partie sont arrivés à leur destination ; mais il est à craindre que les dernières expéditions n'aient été prises par l'ennemi. D'après cela, on en manquera infailliblement pour compléter l'armement des conscrits que les dépôts recevront. Je prie Votre Excellence de donner des ordres pour qu'il y soit pourvu... Il sera nécessaire d'envoyer un général de division pour inspecter ces grands dépôts, en prendre même le commandement supérieur, afin de donner l'impulsion à l'armement, à l'instruction, à l'habillement., en attendant qu'ils soient en état d'être appelés à l'armée. »
Neuf Mois de Campagnes à la suite du Maréchal Soult - Lt Colonel J-B. DUMAS - Paris - Edit Charles-Lavauzelle
Source: Bnf
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