" Mais déjà, au-delà de Vialer, Conchez, ancienne capitale, nous accueille sur le haut de la poudge.
Ce petit bourg a gardé tout le charme de l'ancienne résidence d'été des seigneurs béarnais qu'elle fut aux XVIIe et XVIIIe siècles. Mais ce serait lui faire injure que d'oublier qu'il fut d'abord l'un des lieux stratégiques du système défensif vicomtal béarnais.
En effet, la frontière se trouvait sur les collines d'en face et fréquentes furent les incursions des ennemis. Ces ennemis ce furent tous ceux qui se montraient envieux des richesses et de l'indépendance de ce petit pays de Béarn, qui avait su rester autonome depuis des temps immémoriaux, Anglais et Armagnacs du temps de la guerre de Cent Ans ou de la querelle entre Armagnacs et Bourguignons, (mais les Anglais, ces Aquitains privilégiés, furent le plus souvent des alliés) Comtes de Toulouse parfois, mais le plus souvent souverains français dont les prétextes de conversion religieuse forcée, cachaient mal la réalité des intentions hégémoniques.
On comprend mieux dans ce petit pays, l'abondance des châteaux et maisons fortes et surtout la présence de signes évidents de fortifications et systèmes défensifs dans les églises qui devenaient en cas d'attaque des lieux naturels de refuge (églises de Diusse, de Saint-Jean-Poudge, d'Escurès, d'Armau, etc.). La tradition rapporte que les animaux domestiques étaient parqués dans l'enclos du cimetière au milieu des tombes et que les hommes occupaient les meurtrières, mâchicoulis et créneaux du clocher, tandis que femmes et enfants, les solides portes closes, entraient en prières.
Il est certain que la ligne des coteaux constituait la première ligne de défense. Le dispositif en est encore visible et facile à définir dans la région de Moncaup et Monpezat qui consistait en une sorte de bastion avancé. Cependant, jusqu'au XIVe siècle environ et peut-être au-delà, seuls les poeys sommets du haut des collines ou poudges devaient être éventuellement gardés, protégés par le système traditionnel du paierie ou rang de pieux de bois : paus, qui suffisait à la défense. On se repliait ensuite sur les places fortes si nombreuses, mieux aménagées et surtout abondamment pourvues d'eau fraîche
et provisions de bouche.
Bien peu de castera, castra, motta ou montas, tues et tucoiis ont été fouillés consciencieusement. Beaucoup de ceux qui ont été arasés brutalement ont livré quelques traces intéressantes : armes parfois, poteries souvent, ossements et bijoux primitifs lorsqu'il s'agissait d'une sépulture, ou bien cendres et débris divers, lorsqu'il s'était agi d'un lieu de séjour.
Indéniablement, les plus anciens tues ont pu servir de lieux de sépulture qui ont succédé aux lieux de vie et de culte, un peu comme pour les villas romaines citées plus haut, mais pour des époques bien antérieures. Les castera ou castra datent eux de la résistance à l'occupation romaine. Quant à la plupart des motta, ils sont les emplacements des premières fortifications médiévales faites de pieux et de rondins de bois.
Conchez, n'avait pas échappé à la règle si ce n'est qu'il s'agissait sans doute, d'un lieu fortifié assez considérable dont on retrouve aisément le tracé et le souvenir de l'emplacement de l'ancien château, des fossés et des contreforts.
Lieu défensif par excellence, l'une des clefs du système vicomtal béarnais, Conchez devait connaître une expansion assez forte.
Cela lui permit de devenir au XVIIIe siècle le lieu de résidence estivale de la plupart des grandes familles nobles béarnaises, puis par la suite, de rester, un moment, chef-lieu de canton.
Beaucoup de maisons avec leurs façades du XVIIIe siècle, leurs balconnades au-dessus de leurs jardins suspendus (comme disait Joseph Peyré) se souviennent d'avoir été les hôtels particuliers de ces familles. Citons-en deux, parmi les familles locales les plus illustres : la maison de Hiton dont
la réputation fut grande, la maison Barthe de la famille des Nabos.
Il n'est pas inutile d'aller voir de près les pierres sculptées de la mai son dite de "Toulon" avec ses écussons, ses armes du Béarn, sa devise ancienne comportant le cri de guerre béarnais, sa fenêtre à meneaux du XVIe siècle.
Enfin, on n'aura garde de négliger l'église de Conchez-de-Béarn, dont les boiseries du XVIIIe siècle et l'harmonie des tons qui offre un régal pour les yeux font oublier qu'elle fut abondamment restaurée et remplaça des 1620, une église bien plus ancienne dédiée déjà, elle aussi, à saint Germain."
Editions J.-C. Bihet
ISBN 2-909156-00-1
Texte André Anglade - Photographies de Georges Belile
Dépôt légal: 2e trimestre 1991
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire